Les délais d’attente des candidats : une problématique forte et récurrente
L’examen du permis de conduire est le « premier examen de France » tant dans les chiffres – 3 300 000 examens par an dont 1 325 000 examens B - que dans les faits, en tant qu’élément clé de la vie sociale et économique. Avec un taux de réussite de 60% en première présentation de l’épreuve pratique B, la France se situe dans la moyenne européenne.
Se présenter au permis de conduire dans un délai raisonnable est une préoccupation forte des candidats qui sont largement ignorants du système d’attribution des places d’examens. De fait, l’obtention d’une place d’examen relève souvent du parcours du combattant. Les délais d’attente et le coût de la formation complémentaire concernent 40% des candidats pour lesquels la méthode nationale d’attribution des places s’avère contraignante, notamment en n’apportant pas de droit à places d’examen à l’école de conduite pour la deuxième présentation. Penser la problématique des délais de présentation aux épreuves du permis de conduite, c’est mettre à jour un blocage qui ne date pas d’hier. La question se pose depuis bientôt quarante ans et les chiffres n’ont cessé d’augmenter. Dans les années 2000, plusieurs facteurs ont participé à enrayer le système, que ce soit la suspension du service national (pendant lequel un nombre non négligeable de jeunes passaient le permis) ou l’allongement de la durée de l’examen à 35 minutes. Si le nombre d’inspecteurs a été augmenté pour faire face aux besoins, force est de constater que les délais d’attente en 2013, entre deux présentations, sont en moyenne de 98 jours. Ces délais sont mal vécus par l’ensemble des parties prenantes à l’éducation routière et au permis de conduire : ils sont un gouffre financier pour les candidats, une zone d’errance et d’incompréhension qui dure de trois à six mois et à laquelle les institutions n’apportent pas de réponses satisfaisantes, ce qui est un facteur de tensions supplémentaires entre les écoles de conduite, l’administration et les candidats. On sait pourtant que pour nombre de personnes cet examen représente l’un des seuls examens officiels qu’ils passeront dans leur vie et qu’il est un véritable passeport vers l’autonomie, un levier essentiel d’insertion professionnelle et sociale.
Partant d’une constante jamais démentie qui montre que lorsque le nombre de places d’examen augmente, le taux de réussite diminue (ce qui accroît le coût de la formation), il a semblé urgent de faire un diagnostic approfondi de la situation concernant les délais d’attente, de réfléchir à un équilibre entre offre et demande de places d’examen et plus largement de revoir le fonctionnement des attributions de ces places.
Les membres du groupe de travail : plus qu’une étude en groupe pour produire un rapport, le pari d’une co-construction de solutions
Les pouvoirs publics se sont plusieurs fois emparés du sujet sans parvenir à ce jour à faire évoluer les lignes significativement. Face à cette situation, Monsieur Manuel Valls, ministre de l’intérieur, a conclu en septembre 2013 à la nécessité de mettre en place un groupe de travail spécifique, sous la coordination de Madame Florence Gilbert, Directrice Générale de Voiture & co et Présidente de la Commission « Jeunes et éducation routière » du Conseil national de la sécurité routière.
Pourquoi avoir élargi le sujet ? De la question des délais d’attente à celle de la refonte du permis de conduire.
La mission du groupe de travail était de produire un diagnostic partagé et de déterminer des leviers d’action dans l’objectif de réduire les délais d’attente pour se présenter aux épreuves et améliorer le taux de réussite du permis.
Pour porter un regard nouveau sur cette question complexe qui était posée, le groupe a souhaité une approche à l’image de la volonté commune des membres de coopérer. De par un format original et grâce à la volonté partagée de ses membres de co-construire une analyse et des recommandations pertinentes, le groupe a pu animer des débats riches et faire émerger une approche globale de la problématique.
En tant qu’acteurs de la sécurité routière et de l’éducation routière, il a été possible d’aller au-delà des différences structurelles et de faire converger les forces pour répondre d’une
seule voix aux problématiques des candidats. En tirant le fil des délais d’attente, c’est la question des interactions entre les parties prenantes à l’éducation routière qui est apparue, mais aussi celle de la formation au permis, du coût de cette formation, de la forme de l’examen, des inégalités entre écoles de conduite, de la complexité des circuits administratifs, de la difficulté à faire évoluer les lignes institutionnelles. L’interdépendance des problématiques est une évidence : y répondre implique de penser hors du cadre initialement proposé lors de la mise en place du groupe de travail. Par cet élargissement du champ de réflexion, le pari a été fait de conduire une analyse en profondeur des rouages qui sous-tendent l’apprentissage à la conduite afin de répondre avec justesse et réalisme à la problématique des délais d’attente.
Le constat originel est simple : la question des délais de présentation est au coeur d’une dynamique plus large de révision et de modernisation du permis de conduire. Il n’est pas envisageable de réduire les délais d’attente sans repenser à la base le fonctionnement du permis. Le sujet est ancien. Derrière ces blocages, c’est un véritable enjeu de société qui est pointé du doigt par la population, que ce soit aux plans de la sécurité routière, de l’insertion économique et sociale ou encore de la mobilité. Vouloir réduire les délais d’attente, c’est devoir accepter l’idée d’un changement total de paradigme sur le permis de conduire. Il n’est pas possible de faire l’économie d’une profonde remise en question des mécanismes qui permettent aujourd’hui l’apprentissage de la conduite et la présentation à l’examen du permis.
Enjeux et objectifs : co-construire un dispositif global : considérer le permis comme un tout, une quête de cohérence.
Si la lutte contre l’insécurité routière a permis une diminution importante des chiffres de la mortalité routière, les jeunes restent pourtant de loin les premières victimes avec un pourcentage de tués et d’accidentés par rapport à la population qui ne diminue pas. Jusqu’à aujourd’hui la formation au permis de conduire n’était pas assez mise en avant pour pouvoir être un levier efficace dans cette lutte en faveur d’une plus grande sécurité routière. Pour atteindre l’ambition affichée de 2 000 morts en 2020, les acteurs de la formation doivent être au coeur du plan d’action à venir. Des pays européens ont fait le pari de formations allongées, avec à la clef des baisse d’accidentalité de 15 à 30%.
C’est dans cette perspective que le groupe s’est mis au service de la recherche d’une proposition de dispositif global en vue de transformer le permis de conduire dans son ensemble et de le rendre en phase avec ce que représente la conduite aujourd’hui : un symbole de mobilité citoyenne, de liberté et d’autonomie pour les individus, mais aussi un levier de développement économique et sociale, un moyen de transport incontournable et un vecteur de prise de conscience écologique et solidaire.
C’est grâce à cette dynamique que la question des délais d’attente a pu être abordée sous un angle global et dans une logique systémique, en considérant l’ensemble des parties prenantes au permis de conduire. Ce projet s’inspire des différentes observations qui montrent que le système fait souffrir l’ensemble des acteurs de la conduite depuis de longues années.